Comprendre le concept de motivation pour changer son regard d'entraîneur.
Avril 2023 - temps de lecture ~ 2 min
Et si on parlait motivation ? Et surtout en quoi la compréhension du concept de motivation peut faire de nous de meilleurs entraîneurs ?
La volonté d’écrire ce billet est venue d’une balade avec ma chienne accompagnée d’une dame et de son petit chien. Le coquin s’en est allé se rouler dans un excrément au grand désarroi de sa propriétaire qui lui a passé un sacré savon ! La dame m’explique, très fâchée ma foi, qu’il sait qu’il n’a pas le droit et que pourtant il le fait quand même. Je ne saurais dire ce qu’il y a dans la tête de ce petit être adepte du roulage de fèces, et surtout s’il sait réellement qu’il n’a pas le droit de réaliser cet acte criminel au regard des humains.
Mais ce qui est certain, c’est que sa motivation à aller faire des galipettes dans des coprolithes était bien supérieure au courroux de sa partenaire humaine comme conséquence de son acte.
Une histoire de motivation.
Ne vous méprenez pas, je ne suis pas là pour juger qui que ce soit, mais bien pour parler de la motivation que peut avoir un animal à faire (ou ne pas faire !) un comportement qui parfois nous paraît incohérent, et notamment en entraînement. Comment expliquer qu'un lion quitte la séance d'entraînement alors que vous avez de beaux ailerons de poulet à lui proposer ? Ou qu'un éléphant refuse se mettre en position « side » alors qu’il le faisait sans difficulté la veille ?
Un acte de rébellion ? De fainéantise ? Non, c’est toujours une histoire de motivation !
Si la conséquence du comportement est une récompense, quel serait l’intérêt pour l’animal de ne pas réaliser celui-ci ? En effet, il perdrait alors l'accès au renforçateur.
Agir et prioriser les tâches.
Selon le Larousse, la motivation est « ce qui pousse un être à agir ». Oui certes, mais au-delà d’un simple passage à l’acte, il s’agit d’une hiérarchisation des priorités. L’environnement est complexe et chargé d’informations. La motivation permet d’établir des choix notamment en fonction du coût de la dépense énergétique. Ainsi, cette motivation peut être déclenchée par un stimulus aussi bien interne qu’externe à l’individu.
Prenons un exemple, le système digestif d’un jeune guépard indique à son cerveau qu’il est temps de se mettre en quête de sa pitance. La motivation à satisfaire le besoin de nourriture pousse l’individu au déplacement et à la traque d’une proie. La poursuite et la capture de la proie étant une dépense énergétique très forte, la motivation au passage à l’acte dépend de l’accessibilité de la proie et de la motivation dûe à la faim. L’échec de la capture de la proie mettant l’organisme « à débit » dans cette dépense énergétique. De la même manière, si notre ami félin se met en quête de nourriture mais qu’il tombe sur un groupe de hyènes, sa motivation ne sera plus de se nourrir mais de fuir pour sa survie. La motivation permet de prioriser la dépense énergétique dans une dynamique de coût/bénéfice.
Où va sa motivation ?
Ainsi, la motivation dépend d’un contexte environnemental, de l’état émotionnel et physiologique de l’animal. Derrière un comportement indésirable ou l’absence d’un comportement désiré, on peut s’interroger sur la motivation de l’animal. Est-il à satiété ? Est-il en vigilance suite à un évènement particulier de sa journée ? Le comportement demandé est-il confortable pour lui ? Préfère-t-il communiquer avec un congénère ?
Imaginez la scène, on ne peut plus classique, d’un propriétaire qui rappelle son chien flânant le nez au vent. Le chien ne revient pas vers son maître, préférant humer délicieusement les flancs d’un réverbère. Le propriétaire s’agace, appelle avec plus d’insistance, s’énerve, s’offusque ! “Pourquoi cet animal ne m'obéit-il pas ? “.
Est-ce réellement un choix de désobéir ou sa motivation est-elle simplement ailleurs ? Il est plus probable que ce chien, sentant le dépôt urinaire d’un congénère, rentre alors dans son réseau social ! Si vous scrollez l’écran de votre smartphone pour regarder les actualités de votre réseau, votre chien en fait de même avec son nez. Il flaire les profils de ses congénères “likant” parfois avec un petit jet d’urine et notifiant ainsi son passage. Comprendre cela revient à ne pas prendre les choses personnellement. Ce chien ne désobéit pas, il est occupé ailleurs.
Finalement, la grande question reste : pourquoi, parmi toutes les possibilités et toutes les informations de son environnement, l'animal choisirait de dépenser de l’énergie à interagir avec nous ?
C’est là où est tout le travail de l'entraîneur. Être source lui-même de motivation, être créatif, savoir choisir les bons renforçateurs au bon moment, s’interroger en permanence sur comment l’animal perçoit la situation, et sur où va sa motivation et pourquoi.
Par Siméon Cyrielle